Quelles sont les implications du parrainage civique ?
Le programme d’entraide du parrainage civique comporte de nombreuses facettes. Bien que chaque organisme de parrainage civique possède des caractéristiques spécifiques, il adhère aux principes de base du mouvement, soit :
-
un engagement régulier et à long terme
Le parrainage correspond à un lien soutenu et à long terme d’un minimum d’un an. Il s’agit idéalement d’une relation authentique et aidante. Le parrain ou la marraine, en tant qu’ami et accompagnateur s’implique à son rythme. Il n’y a d’ailleurs pas de cadre de fonctionnement à ce sujet. Nous respectons l’autonomie des personnes jumelées, qui personnalisent comme elles le veulent leur relation de jumelage. Dans le cas du parrainage civique, le lien est plus intensif et plus soutenu que pour d’autres formes d’engagement et se développe à long terme.
L’intervention peut répondre à plusieurs besoins, dont certains sont très simples, alors que d’autres sont plus exigeants. C’est pourquoi il est grandement souhaitable que la relation se vive à long terme, pour permettre aux personnes de créer un lien significatif, continu et une stable. La visée à long terme n’empêche pas la possibilité d’avoir des bénévoles qui s’impliquent ponctuellement (bénévole d’un jour, etc.) dans le but de sensibiliser plus largement la population aux besoins de l’organisme. Ces bénévoles accompagnent alors les personnes filleules en attente à des activités sociales ou culturelles.
-
une meilleure participation sociale de la personne filleule
L’intégration sociale est la « partie vitale » et la « ligne de conduite » du parrainage civique. Cette intégration doit idéalement être accompagnée de l’acceptation de la personne filleule telle qu’elle est. Le rôle du parrain ou de la marraine peut varier pour répondre aux différents besoins exprimés par la personne filleule, mais ne doit jamais être surprotecteur. Ainsi, le parrain ou la marraine peut : améliorer la qualité de vie de son filleul, développer son pouvoir de faire des choix ou de nouvelles habiletés, l’aider à participer à la vie en société par toutes sortes d’activités de loisirs, à se faire respecter dans ses droits, à se faire des amis et être pour cette personne quelqu’un capable de prendre sa défense lorsque le besoin s’en fait sentir, en résumé, donner un plus grand pouvoir (empowerment) à la personne filleule dans la société.
Le parrainage est en effet un outil qui permet aux personnes parrainées de mieux franchir des étapes qu’elles ne pourraient pas franchir seules dans l’immédiat. Elles ont aussi besoin de faire des apprentissages sur le plan social et culturel. Le réseau de bénévoles (bénévoles, « voulant du bien »), permet donc d’améliorer à court et à long terme leur qualité de vie en leur procurant soutien et accompagnement. Les bénévoles en viennent ensuite à côtoyer les proches et les intervenants de la personne filleule : famille immédiate, administrateurs de l’aide sociale, éducateurs spécialisés, etc. À plus long terme, il arrive souvent que la personne filleule soit intégrée dans le réseau de vie intime du bénévole (amis, famille, etc.). Il s’agit ainsi d’agrandir son cercle de connaissances. Par la relation de jumelage, le parrain ou la marraine doit aussi s’assurer en particulier que la personne filleule reçoit les services que tout citoyen est en droit de recevoir de sa communauté et qu’elle peut participer activement, comme tout autre citoyen, à la vie en société. La personne bénévole est donc appelée à promouvoir les intérêts de la personne filleule, si nécessaire, que ce soit auprès des services sociaux ou même auprès de sa famille, mais toujours sur une base égalitaire. La relation doit aussi profiter du support de la communauté.
-
une relation significative basée sur l’amitié et l’entraide
Le lien de parrainage civique existe de façon privilégiée entre les deux personnes qui ont des rapports personnels caractérisés par l’affection, l’amitié, sinon la fraternité et l’intérêt mutuel. Il s’agit idéalement d’une alliance exclusive caractérisée par la réciprocité et l’unité. En conséquence, le parrain ou la marraine n’a pas un mandat de réadaptation professionnelle. Il n’a aucune obligation de fidélité à une profession ou à un employeur. Son action se distingue grandement de celle des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux. L’apport du bénévole se situe dans son application à devenir une personne significative, aidante et valorisante pour la personne filleule, sur la base la plus spontanée possible. Il devient alors un aidant naturel. Seule une relation gratuite peut apporter ces avantages. Le parrain ou la marraine ne doit normalement jamais accepter d’argent de la part de la personne filleule ou de sa famille.
C’est pourquoi le parrainage civique constitue une ressource communautaire. Il s’agit d’une relation chaleureuse et positive très différente de la relation des professionnels. Cette relation n’est pas contraignante pour la personne filleule et elle tient compte de la qualité de vie que mérite tout être humain quel qu’il soit.
-
une réciprocité
L’amitié se développe lorsque deux personnes ayant suffisamment d’affinités se rencontrent et sont prêtes à s’investir dans leur relation. C’est ce jumelage d’affinités qui est visé par l’intervention sociale du parrainage civique. Ce n’est que si la relation est bénéfique aux deux personnes jumelées que l’équilibre se fera entre donner et recevoir. Le lien doit se développer dans l’authenticité. Nous avons entendu les nombreux témoignages de nos parrains et marraines : lorsqu’on donne, on reçoit autant sinon plus. C’est là où mènent l’altruisme, le dévouement et le don de soi. C’est là aussi où mène plus souvent qu’on pense la « connexion des différences ».
Il est clair que le parrainage améliore la qualité de vie des deux personnes impliquées. C’est principalement dans la solution de problèmes quotidiens et dans l’accès aux services appropriés et de qualité que se développent des liens amicaux, si chacun s’engage volontairement dans une relation de personne à personne, d’égal à égal, selon leurs besoins mutuels et leurs intérêts, en vue de l’épanouissement de chacun. Le bénévole n’a aucun contrôle ni emprise sur la personne filleule. Il s’agit d’une relation de parrainage, non de charité.
-
une relation encadrée par un organisme de parrainage civique
L’organisme de parrainage civique fera tout son possible pour que le parrain ou la marraine se sente supporté tout en demeurant indépendant vis-à-vis des services sociaux et de la famille de la personne filleule. Le personnel de l’organisme joue un rôle de premier plan dans la réussite des activités de jumelage. Celui-ci reçoit les demandes de part et d’autre, évalue les besoins d’une personne, recrute, sélectionne et juge les aptitudes des bénévoles, oriente et soutient ces derniers, effectue les jumelages, en fait le suivi, et enfin, forme l’ensemble des membres.
Devenez bénévole au parrainage civique !
Quelles sont les populations ciblées par le parrainage civique ?
Du côté des personnes filleules
Le parrainage civique s’adresse aux personnes ayant une incapacité. Selon les besoins régionaux, les clientèles sont principalement des personnes ayant une incapacité motrice ou sensorielle, un problème de santé mentale ou des incapacités intellectuelles, des personnes en perte d’autonomie ainsi que des personnes ayant des difficultés socioaffectives.
Ces personnes peuvent vivre dans leur famille naturelle, en famille d’accueil, en foyer de groupe, en appartement autonome ou supervisé et dans d’autres types d’hébergement tels les CHSLD et les résidences privées pour personnes âgées. En apprendre plus sur le contexte et la réalité des personnes filleules.
Parmi les caractéristiques plus concrètes recherchées, la personne filleule doit :
- faire preuve d’une démarche volontaire,
- être capable d’entrer en relation, verbalement ou non-verbalement,
- ne pas présenter de troubles de comportement majeurs (violence, etc.),
- avoir l’appui de son entourage immédiat par rapport à ce projet, si nécessaire.
Du côté des parrains et marraines
Le parrain ou la marraine doit :
- être motivé à créer un lien significatif dans une relation de jumelage,
- avoir une certaine stabilité,
- être autonome,
- être responsable,
- être disponible, de préférence à long terme,
- être capable de réciprocité et d’échanges interpersonnels,
- agir comme citoyen, non comme professionnel,
- être ouvert, souple envers la personne filleule. En effet, « il est important de noter que chaque personne possède des caractéristiques uniques qui doivent être découvertes et mises en valeur et qu’il n’existe pas de portrait type ».
Les attitudes recherchées chez cette personne sont :
- l’empathie,
- le respect de la personne filleule dans ses différences,
- la capacité de reconnaître la valeur intrinsèque de chaque personne,
- l’adhésion à la philosophie du parrainage civique et à son cadre de référence,
- la motivation à défendre des intérêts de la personne filleule comme s’il s’agissait des siens,
- le respect des règles de confidentialité.
Quels sont les impacts du parrainage civique ?
Pour la personne filleule
L’intervention lui apporte l’amitié, ajoute quelque chose de plus profond à sa vie, une relation spéciale et de longue durée favorisant une meilleure estime d’elle-même. Les avantages du point de vue social et affectif sont nombreux. En particulier, la personne est mieux reconnue, appréciée et aimée. Elle est valorisée par une vie plus normale et une citoyenneté mieux assumée. Elle devient aussi moins dépendante des services professionnels. Elle pourrait même éviter l’institutionnalisation.
Pour le parrain ou la marraine
Cette expérience permet un accomplissement personnel et apporte la satisfaction d’être utile. C’est aussi une expérience différente qui peut être très enrichissante et qui permet de mieux saisir la réalité des personnes vivant en situation de handicap. Elle apporte aussi l’amitié et une meilleure qualité de vie grâce à l’altruisme, sinon grâce à l’entraide.
Pour les gouvernements
L’intervention permet d’éviter, dans de nombreux cas, l’institutionnalisation, de favoriser le maintien à domicile et d’épargner d’autres coûts de santé, notamment les coûts des interventions d’urgence ou institutionnels. Des complications (maladie mentale, suicide, itinérance, etc.) et des situations d’isolement peuvent sinon en résulter. Ces citoyens bénévoles améliorent l’accès et l’utilisation des ressources sociales. C’est ainsi que nos services favorisent concrètement le rapprochement entre les citoyens et ceux qu’on cherche à intégrer dans notre société.
… Et pour l’ensemble de la société
Nous adhérons fortement à une perspective de développement social. L’œuvre du parrainage civique permet de répondre à des besoins sociaux et de diminuer l’isolement par l’établissement de nouveaux liens significatifs. L’intervention réussit aussi à sensibiliser les gens à la réalité des personnes ayant une incapacité, à faire tomber des barrières comme l’appréhension du public et à développer une attitude plus positive vis-à-vis de la personne marginalisée en raison de sa différence. Notre travail favorise donc l’intégration communautaire, sans discrimination.
Les apparences sont parfois trompeuses : « Je ne suis pas ce que tu vois » comme nous le rappelle si bien le Petit Prince. De plus, il permet des économies à la société dans la mesure où l’autonomie est améliorée. Les intervenants en parrainage civique, que ce soit les permanents, les membres des conseils d’administration, les bénévoles ou les personnes filleules deviennent des agents de transformation sociale, par leur travail de sensibilisation et d’information (grand public, médias, etc.)
Témoignage
L’exemple qui suit présente une utilisation du modèle du parrainage civique. En agissant principalement sur les facteurs environnementaux, il contribue à réduite, voire à éliminer, les situations de handicap pour les personnes vivant avec une incapacité.
Jacinthe, une jeune femme énergique de 25 ans, a, en raison de sa trisomie 21, une malformation cardiaque, un système digestif qui lui cause quelques ennuis et porte des prothèses auditives afin de corriger une légère déficience auditive. Elle présente « une déficience intellectuelle », ce qui signifie qu’elle a des incapacités reliées aux activités intellectuelles, au langage, ainsi qu’à certaines activités de motricité globale.
Elle travaille à temps partiel comme assistante-commis dans une fruiterie de son quartier. Elle est très active au sein du Mouvement des Personnes D’Abord. Toutefois, elle aimerait pouvoir fréquenter le centre sportif et participer à des cours d’aérobie, comme ses collègues de travail. Mais l’accès à ces activités lui est impossible actuellement. Les responsables du centre sportif démontrent peu d’ouverture de peur « d’incommoder » les clients et craignent aussi que cette activité soit dangereuse en raison de sa condition cardiaque.
Jacinthe est, depuis quelques années, jumelée à une marraine civique. En discutant de ses besoins et de ses sujets de prédilection avec sa marraine et la responsable du jumelage de l’organisme de parrainage civique, toutes trois conviennent qu’il serait intéressant d’entreprendre une démarche auprès du centre sportif afin que leur activité hebdomadaire se déroule lors d’un cours d’aérobie. Ainsi Jacinthe serait intégrée progressivement aux activités, tout en étant soutenue par une personne de confiance. Ce soutien aiderait aussi le centre sportif à apprivoiser la « différence » et à travailler sur les attitudes et les valeurs de son personnel. Cela permettra à d’autres personnes ayant une incapacité de fréquenter le centre et assurera une pleine participation des personnes vivant avec une incapacité. Dans ce contexte, l’action du parrainage civique est considérée comme un « facilitateur », c’est-à-dire un facteur environnemental qui favorise la réalisation des habitudes de vie lorsqu’il entre en interaction avec les facteurs personnels. Ce facilitateur contribuant à la réalisation de l’habitude de vie de Jacinthe qui est de fréquenter le même centre sportif que ses collègues de travail. L’habitude de vie réfère, quant à elle, à une activité de la vie courante ou un rôle social valorisé par la personne (…) selon ses caractéristiques (l’âge, le sexe, l’identité socioculturelle, etc.). Elle assure la survie et l’épanouissement d’une personne dans sa société tout au long de son existence.
Soulignons également que son médecin traitant a confirmé que la malformation cardiaque ne représente pas une contre-indication aux activités d’aérobies et qu’elles seraient même bénéfiques pour sa condition physique générale. Cette recommandation du médecin sera transmise lors des démarches de sensibilisation effectuées auprès du centre sportif.